Journée francophone 2021

Contenu
La Plateforme nationale pour la recherche sur la fin de vie et le Réseau québécois de recherche en soins palliatifs et de fin de vie (RQSPAL) ont organisé ensemble leur deuxième journée scientifique francophone internationale le 4 novembre 2021.

Faire le choix de mourir ?

Euthanasie, suicide assisté et aide médicale à mourir sous l'oeil des chercheurs

Les sociétés évoluent et changent leur pratique en matière d’euthanasie. Bien que certains pays aient légalisé l’euthanasie il y a plusieurs années, d’autres effectuent des consultations auprès de leurs populations pour déterminer si cette pratique est socialement acceptable.

Au Québec, un débat mené de 2012 à 2015 a conduit à l'élaboration de la Loi sur les soins palliatifs qui a encadré et légalisé l’euthanasie sous le terme d'aide médicale à mourir (AMM). Depuis, le nombre d’AMM administré augmente d'année en année et de nouveaux jugements législatifs laissent présager un élargissement potentiel de la loi avec la suppression du critère "de la mort présumée imminente" ou encore l'ouverture à d'autres pathologies comme les troubles de santé mentale.

De l’autre côté de l’Atlantique, en France, le débat anime les sphères politiques et des consultations sont en cours.

Que pouvons-nous tirer de l'expérience de cinq années de légalisation au Québec ? Les processus de deuils sont-ils modifiés ? Comment ce nouveau "soin" impacte-t-il les professionnels de santé? Ce nouveau domaine d’étude fascine et de nombreux chercheurs s’interrogent sur la question.

Les objectifs de cette journée d'étude sont de :  

  • partager l’expérience du Québec en matière de légalisation de l’aide médicale à mourir (AMM),
  • décrire et comprendre les pratiques en lien avec l’euthanasie, le suicide assisté et l’AMM,
  • présenter de nouvelles avancées dans la recherche sur ces questions,
  • identifier les défis de l'intégration des connaissances dans les milieux de soins et explorer les opportunités pour les surmonter,
  • déterminer des orientations futures de recherche sur le sujet des soins palliatifs et de fin de vie en lien avec l’euthanasie, le suicide assisté et l’AMM.
Affiche wébinaire Franco-Québécois

Étudier l'aide médicale à mourir dans le contexte des soins de fin de vie: constats de recherches réalisées au Québec entre 2002 jusqu'à ce jour.

Cette journée scientifique sera l'occasion de présenter les réflexions issues de trois projets de recherche et d'une revue systématique de littérature. Une étude réalisée auprès de la population québécoise en 2002 a permis de mettre en lumière la confusion importante entre l'euthanasie et d'autres pratiques en fin de vie (comme l'abstention et l'arrêt des traitements de prolongation de vie, le suicide médicalement assisté et le soulagement par morphine des douleurs) et l'influence de cette confusion dans le cadre de sondage d'opinion publique. Une autre étude réalisée en 2012 auprès de médecins et d'infirmières sur leur compréhension des implications professionnelles d'une modification possible des lois pour permettre l'aide médicale à mourir au Québec a également démontré le besoin d'une meilleure information dans l'optique d'un débat plus éclairé. Une revue systématique portant sur l'influence des politiques publiques sur les pratiques en fin de vie en tenant compte de leur évolution dans des pays où l'euthanasie et/ou au suicide médicalement assisté étaient ou non réglementés a permis d'observer des tendances dans l'utilisation plus fréquente de pratiques de soulagement des douleurs dans les derniers jours de vie, dont l'utilisation de la sédation palliative. Enfin, une étude réalisée auprès d'un échantillon représentatif de médecins canadiens, à l'instar de grandes enquêtes réalisées dans d'autres pays européens dont les Pays-Bas, la Belgique, la Grande-Bretagne et la France, a documenté le type de décisions et la façon dont elles sont prises avant le décès d'un patient, et ce, de façon concomitante avec le changement des lois pour permettre l'aide médicale à mourir au Québec et au niveau fédéral.

Intervenante


Isabelle MARCOUX, PhD en psychologie communautaire, est professeure agrégée à l'École interdisciplinaire des sciences de la santé de l’université d’Ottawa. Son programme de recherche actuel porte sur les enjeux associés aux pratiques médicales en fin de vie, au processus décisionnel associé, ainsi qu’à l’accès aux soins, notamment en contexte de soins palliatifs et d’aide médicale à mourir.

Demandes d'aide à mourir et fin de vie : présentation de l'étude DESA

En France, la question de l’euthanasie et du suicide assisté lors de la fin de la vie fait l’objet de débats éthiques récents qui touchent à la fois le domaine politique, médical et juridique. Ces débats ont donné naissance à plusieurs rapports d’experts et à la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades en fin de vie. Mais quelles que soient ces modifications situées à l’interface de la médecine et du droit, la période de la fin de la vie reste source de souffrance. Certains patients verbalisent le souhait de mourir, allant d’un souhait de ne plus vivre comme ils vivent et de ne pas vouloir prolonger leur vie jusqu’au désir d’accélérer la survenue de leur mort en demandant éventuellement l’aide d’un tiers. Si l’acte de donner la mort à autrui est interdit par le droit Français, l’interdit juridique n’est pas un interdit de parole et parfois la demande d’aide à mourir est explicitée et formulée par des patients à la fin de leur vie. Dans un contexte où l’acte est interdit, comment les malades expriment ces demandes ? Quels sont les mots choisis ? Quel est le sens des demandes ? Comment ces demandent évoluent-elles dans le temps ? Sont-elles influencées par les soignants et les proches ? Comment les professionnels de santé et les proches accueillent-ils et interprètent-ils ces demandes ? Une enquête qualitative menée dans les unités de soins palliatifs a analysé de manière approfondie des situations de patients exprimant une demande explicite d’euthanasie ou de suicide assisté.

Intervenants

    
Danièle LEBOUL, psychologue et chercheure, Maison Médicale Jeanne Garnier, Paris
et Frédéric GUIRIMAND, médecin, professeur associé de médecine palliative, Pôle recherche Soins Palliatifs en Société, Maison Médicale Jeanne Garnier, Paris

L’extension de l’aide médicale à mourir aux personnes qui vivent avec un trouble neurocognitif majeur : perspectives des canadiens et préoccupations

Le Canada envisage d'étendre l’aide médicale à mourir (AMM) aux personnes qui ne seraient plus en mesure d’y consentir au moment de l’acte. Cette extension vise tout particulièrement les personnes au stade avancé d’un trouble neurocognitif majeur (TNC-M) qui auraient demandé l’AMM par anticipation. Dans sa présentation, Gina BRAVO résumera la position de différents groupes de Canadiens face à cette question délicate, et les préoccupations qu’ils ont exprimées. Les données, quantitatives et qualitatives, proviennent d’un large programme de recherche débuté en septembre 2016 et qui a permis de contacter des aînés avec et sans TNC-M, des proches aidants de personnes atteintes et des professionnels de la santé (médecins, infirmières, travailleurs sociaux). Les participants ont donné leur opinion face à l’extension de l’AMM, considérant d’autres options en fin de vie, dont la sédation palliative continue et la non-administration d’antibiotiques pour traiter une infection potentiellement mortelle. En plus de guider la réflexion en cours au Canada, ces résultats pourront alimenter celle d’autres pays qui songent à rendre l’AMM accessible à leurs citoyens dans certaines circonstances.

Intervenante


Gina BRAVO, PhD, est professeure titulaire au Département des sciences de la santé communautaire de l’Université de Sherbrooke, chercheure au Centre de recherche sur le vieillissement du CIUSSS de l’Estrie – CHUS et membre régulier du RQSPAL. Ses travaux portent sur la qualité des soins dispensés aux aînés, notamment en fin de vie, et sur l’expression des volontés en prévision de l’inaptitude. Elle vient de compléter une vaste étude sur l’extension de l’aide médicale à mourir aux personnes inaptes à y consentir au moment de l’acte.

Le suicide assisté en Suisse : circonvolutions du deuil

Cette présentation abordera trois formes distinctes données au deuil après un suicide assisté : une forme juridique, une forme politique, et une forme éthique. Juridique tout d'abord, puisque des proches ayant participé à l’assistance au suicide ont pu se sentir coupables après le décès ou être convoqués par la justice pour en témoigner. D'autres, à l’inverse, ont pu se sentir moralement interpellés voire affectés par l’assistance au suicide comme dispositif au sein d’une collectivité donnée et mobiliser à leur tour la justice. Politique ensuite, car certains proches – spécialement ceux qui ont dû voyager depuis des juridictions dans lesquelles l’assistance au suicide n’est pas une pratique légale – ont cherché à infléchir pour différents motifs les dynamiques sociales en matière d’aide à la mort volontaire dans leur propre pays, notamment par un engagement politique ou associatif. Éthique finalement, car bon nombre de personnes, après le décès, s'interrogent. Après avoir participé à l’événement et compte tenu des modalités de participation (ou de non-participation), cette dernière était-elle adéquate et déterminée pour le « bon » motif ? De manière générale, cette question sous-tend l’expression juridique et politique des jeux d’accusation et d’investissement mis en évidence. Elle permet d’expliquer en partie la volumineuse littérature bioéthique produite en la matière, pour un phénomène qui reste limité. Les chercheurs pour leur part s'efforcent de souligner le fait qu'ils ne se sont pas positionné uniquement dans l’observation, quelle que soit la signification donnée à ce terme. Eux aussi ont été confrontés à la question de savoir s'ils avaient fait les « bons choix » et agi pour les « bonnes raisons » en observant ou non les protagonistes d’une assistance au suicide.

Intervenant


Anthony STAVRIANAKIS est chargé de recherche au CNRS en anthropologie et membre du Laboratoire d'ethnologie et de sociologie comparative (LESC) UMR 7186, CNRS, Université Paris Nanterre. Ses recherches portent principalement sur les jugements éthiques dans les domaines de la science et de la médecine.