Maya Corman est lauréate de la bourse France-Québec

La Plateforme nationale pour la recherche sur la fin de vie et le Réseau québécois de recherche en soins palliatifs et de fin de vie (RQSPAL) se sont accordés pour offrir deux bourses de mobilité à des doctorants. Maya Corman est la lauréate française de leur appel à candidature. Portrait d’une jeune psychologue pleine d’initiatives.

Portrait de Maya Corman

Motivée à la fois par la volonté de comprendre les gens et celle de les accompagner pour apaiser leurs souffrances, Maya Corman se destine au métier de psychologue clinicienne et entame ses études à l’université Clermont Auvergne en 2010. Elle y obtient en 2015 un master professionnel en psychologie clinique. J’avais 23 ans, je me trouvais un peu jeune pour exercer, et je me suis laissée tenter par la perspective de faire une thèse, raconte-t-elle. Elle poursuit donc avec un deuxième master orienté recherche en psychologie sociale et cognitive, puis se lance dans un doctorat en psycho-oncologie sous la direction de Michaël Dambrun, Régis Peffault De La Tour et Jacques-Olivier Bay1. Au départ, je n’étais pas spécialement attirée par les questions de fin de vie ou d’oncologie, je m’intéressais surtout à la souffrance des adolescents en carence affective, raconte-t-elle. Elle passe cependant les quatre années suivantes à chercher à identifier les facteurs sociopsychologiques susceptibles d’avoir un impact sur le processus de greffe chez les personnes atteintes d’hémopathies2. Avec son directeur de thèse, elle élabore un programme d’intervention visant à améliorer leur santé mentale et physique et développe une plateforme numérique d’accompagnement au bien-être (l’application MyABiE3).

Alors que le manuscrit de sa thèse est aujourd’hui achevé en vue d’une soutenance au mois d’octobre, la jeune chercheuse est déjà engagée dans un nouveau projet, élaboré en collaboration avec son directeur de recherches Michaël Dambrun et l’algologue Katell Ménard4. MEDICANCER, financé par le Cancéropôle Lyon Auvergne Rhône-Alpes (CLARA), vise à mettre au point des outils basés sur la méditation de pleine conscience5 adaptés aux besoins des patients de soins palliatifs. Afin d’identifier ces besoins, elle mène actuellement des entretiens auprès de cette population cible. Les thèmes et expressions revenant régulièrement dans les discours de ces patients l’aideront à déterminer des axes d’action sur lesquels se baser pour élaborer des exercices de méditation adéquats.

« J’avais très envie de partir au Canada pour explorer la clinique en soins palliatifs »

Dans sa démarche, Maya Corman aborde la souffrance dans son ensemble, c’est à dire dans ses dimensions à la fois physique psychologique, sociale et spirituelle6. Cependant, le vécu de cette souffrance peut varier selon la façon dont elle est prise en charge, mais aussi selon des facteurs d’ordre culturel. La jeune femme, qui s’intéresse par ailleurs à la psychologie interculturelle, s’interroge : cette souffrance globale est-elle vécue de la même manière dans différents pays ? En quoi certaines variations dans la prise en charge sont-elles liées à la culture ?  L’information sur la bourse offerte par la Plateforme et le RQSPAL tombe à point nommé. J’avais justement très envie de partir au Canada pour explorer la clinique en soins palliatifs, découvrir leur système de soins et rapporter de nouvelles pistes en France, avoue-t-elle. Elle enrichit le projet MEDICANCER d’une dimension interculturelle et propose de poursuivre ses entretiens au Québec, dans une optique comparative. Malgré les difficultés engendrées par la crise du Covid-19, elle finit par trouver un laboratoire d’accueil et boucle son dossier7… Quelques semaines plus tard elle apprend que sa candidature est retenue. Elle passera deux mois au Centre de recherche du Centre hospitalier universitaire de Montréal au printemps 2021.

Quand on l’interroge sur ses perspectives de carrière, Maya Corman n’envisage pas véritablement de choisir entre la pratique clinique et la recherche. Ce sont des activités qui vont de pair et sont complémentaires. Chacune peut se nourrir de l’autre. Je considère que la recherche est indispensable à ma pratique de clinicienne et, en retour, je pense qu’il est important, en tant que chercheur, de rester au contact des populations pour pouvoir intervenir et trouver des solutions. À l’avenir, J’aimerais développer une pratique libérale autour de la prise en charge à domicile des personnes en fin de vie, tout en menant des recherches en soins palliatifs sur le versant psychologique du bien-être, confie-t-elle.

En attendant, rendez-vous est pris pour faire le point l’année prochaine sur cette expérience québécoise.

  1. Michaël Dambrun, enseignant à l’université Clermont Auvergne et chercheur au Laboratoire de psychologie sociale et cognitive (LAPSCO). Régis Peffault De La Tour, Service d'Hématologie, greffe de Moelle, à l'Hôpital Saint Louis, Paris. Jacques-Olivier Bay, Service de thérapie cellulaire et d'hématologie clinique adulte, CHU de Clermont-Ferrand.
  2. Les hémopathies malignes sont des cancers du sang (leucémies, lymphomes…).
  3. https://myabie.com
  4. Katell Ménard est algologue, palliatologue au Centre médical des sapins et au Centre Jean Perrin à Clermont-Ferrand.
  5. La méditation de pleine conscience est un concept issu de la tradition philosophique orientale et qui est utilisé depuis les années 1970 pour soulager les personnes souffrant de maladies chroniques. Le principe est de porter son attention délibérément sur l’instant présent, en restant dans l’observation et sans réactivité. Une méthode qui demande de la pratique et pour laquelle il existe des exercices dédiés (qui sont en fait des exercices d’entraînement attentionnel).
  6. La notion de douleur globale (total pain en anglais) décrit la nature multidimensionnelle de la souffrance des malades en soins palliatifs. Elle a été introduite par Cicely Saunders, infirmière, médecin et écrivain britannique à l’origine du concept de soins palliatifs et qui a fondé le premier établissement hospitalier dédié.
  7. Le projet de recherche qui va faire l’objet du stage s’intitule Comparaison interculturelle par entretiens semi-directifs du concept de Total Pain en soins palliatifs : différences et similitudes entre France et Québec.

Contact :
Maya CORMAN
maya.corman@free.fr

Publié le 15 juin 2020
Auteur : Delphine Gosset

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