Quelles sont les conditions de la fin de vie dans les départements d’Outre-Mer ?

Des démographes de l’INED enquêtent actuellement auprès de médecins pour établir un panorama des circonstances de la fin de vie dans les DOM.

Portrait de Sophie Pennec

Cette enquête fait suite à une première grande investigation de l’Institut national d’études démographiques (INED) sur la fin de vie en métropole dont les résultats ont été publiés en 2012-2015. Ceux-ci ont notamment tenté de mieux comprendre la réalité des décisions prises par les médecins dans les situations de fin de vie. Retracer le parcours de ces personnes dans le mois précédant leur décès, avec les éventuelles successions d’hospitalisations et de retours à domicile, a permis de mieux comprendre pourquoi le maintien à domicile, pourtant souhaité par la plupart d’entre elles, n’a finalement pas lieu. En effet, notre société a tendance à médicaliser la fin de vie, et beaucoup de situations sont considérées comme ingérables à domicile.

Cette première enquête ne prenait cependant pas en compte les départements d’Outre-Mer. Après plusieurs années de préparation, une deuxième investigation est désormais lancée. « Il est possible que les DOM présentent certaines spécificités par rapport à la métropole : on y comptabilise davantage de décès à domicile et les structures dédiées à l’accompagnement de la fin de vie ne sont pas tout à fait les mêmes : il y a globalement moins d’EHPAD, par exemple, et certains DOM sont dépourvus d’unités de soins palliatifs. Le fait de mener une enquête à part nous permet d’avoir un échantillon plus grand et donc d’analyser les choses plus finement », précise Sophie Pennec, chercheuse à l’INED.

Tandis que beaucoup d’études s’intéressent à un seul lieu de fin de vie, par exemple les services d’urgences, ces travaux de l’INED ont l’avantage de prendre en considération toutes les formes de fin de vie, au domicile, à l’hôpital ou en maison de retraite. Ce panorama permet de mieux appréhender les conditions de mise en œuvre des lois sur les droits des malades et la fin de vie (loi du 22 avril 2005, dite « Loi Léonetti » et loi du 2 février 2016, dite « Loi Claeys-Léonetti »).

L’enquête cible les médecins ayant délivré des certificats de décès sur une période donnée. Ils reçoivent un questionnaire papier comprenant une quarantaine d’items. On les interroge sur les souhaits exprimés par les patients et par leurs familles. On leur demande si ces souhaits ont été respectés, si des personnes de l’entourage ont été associés aux discussions sur les décisions médicales en fin de vie, si les patients avaient désigné une personne de confiance ou rédigé leurs directives anticipées1. Les questions portent également sur la nature des décisions médicales en fin de vie : a-t-on arrêté un traitement ? L’a-t-on poursuivi ? A-t-il été inutile ? A-t-on limité les soins ? A-t-on mis en place une sédation ? Toutes les options sont envisagées, y compris celles qui ne sont pas légales, d’où l’importance de garantir l’anonymat des personnes interrogées.

Dans cette enquête, la confidentialité et le secret médical sont parfaitement respectés. Les chercheurs ont mis en place un système de vote par correspondance, avec une double enveloppe, pour le renvoi des réponses : c’est un tiers de confiance qui récupère et saisit les informations sans connaître l’identité des répondants. L’INED, de son côté, obtient la liste des médecins ayant répondu au questionnaire, ce qui lui permet de gérer les relances, mais sans savoir ce que chacun a répondu individuellement. L’analyse peut ainsi se faire ensuite sur des données globales totalement anonymes.
Une première vague de collecte de données a déjà eu lieu à La Réunion. La seconde débute fin janvier 2021, en même temps qu’une première vague aux Antilles et en Guyane. Ce travail de terrain va se poursuivre jusqu’à la fin de l’année. Rendez-vous est pris pour l’analyse des résultats.

Pour en savoir plus :
Voir le profil de Sophie PENNEC dans notre annuaire des chercheurs.
Voir l'enquête sur le site de l'INED :
https://fdv.site.ined.fr/fr/

  1. Le trop faible usage des directives anticipées est d’ailleurs un des grands enseignements de l’enquête qui a été menée en métropole.

 

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